UN DIMANCHE AVANT LA GUERRE
Un dimanche ces Demoiselles sont venues rendre visite à Monsieur, Madame et à la soeur de Monsieur. C'était à la maison d'été que Monsieur avait hérité de son père, en Provence. Comme c'était l'anniversaire de Madame, ils ont mangé ensemble à midi, dehors sous la tonnelle. Je faisais le service.
Il faisait très beau, alors ils ont fait un peu durer le plaisir en cette belle après-midi de Juillet. Puis Monsieur a eu l'idée de profiter de la belle lumière pour faire des photographies et garder un souvenir de ce bon moment. Il est allé chercher son appareil et les plaques de verre. Pendant ce temps j'ai fini de débarrasser la table. On a pris la statue que Monsieur avait offert à Madame et quelques fleurs. A ce moment là, Lassie la chienne fidèle de Monsieur est sortie de l'ombre où elle sommeillait et est venue s'enquérir de la cause de tout ce remue-ménage. Pour l'aider à supporter les grandes chaleurs on l'avait tondue “à la lion”. “Bibi” le petit chien de ces Demoiselles s'est caché parce qu'il en avait peur. Pour la photo on l'a mis sur la table.
C'est ainsi que Madame a retrouvé ces souvenirs d'un beau dimanche de Juillet 1914. C'est avec ces photos dans les mains que je l'ai trouvée en train de pleurer. Monsieur a été tué il y a deux mois, en Février 1917 sur le front de l'Argonne.
« Marie » m'a dit Madame. C'est vrai je m'appelle Marie.
« Jettez ces photos dans le poële, il n'est même pas dessus. Je ne veux plus les voir!».
Seul Monsieur savait faire fonctionner son appareil photographique. Il disait: « Le privilège du photographe c'est de ne pas être sur la photo. ». Même en officier il n'a jamais fait faire son portrait.
Mais j'ai triché. J'ai gardé pour moi quelques unes de ces photos en souvenir de ces cinq années passées au service de Monsieur et Madame. Madame m'a donné mon congé, je la quitte dans quinze jours. Cependant j'ai trouvé une bonne place, Il faut dire que ce n'est pas difficile avec tous ces hommes à la guerre, Le mois prochain je rentre à l'usine de munitions de Saint Victor.
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Ces trois photographies tirées sur papier carte postale de la marque Guilleminot Boespflug et Cie ne comportent aucune mention écrite.
Ce texte a déjà été publié sur un blog, aujourd'hui disparu, en septembre 2007.



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